En Nouvelle-Calédonie, on appelle revendications foncières, les demandes de restitutions de terres formulées au titre de leur antériorité d’occupation, par les clans kanak, les tribus et les groupes politiques indépendantistes à partir des années 1970.
La réforme foncière mise en œuvre à partir de 1978 était principalement destinée à leur apporter une réponse.
Avant 1978, des attributions de terres étaient effectuées par le Territoire de façon irrégulière et en fonction des besoins des populations, sous la forme d'agrandissements de réserves autochtones.
La réforme foncière a donc marqué un tournant, en prenant essentiellement en compte le lien culturel et identitaire au foncier. Cependant, la volonté d'y associer le développement économique des terres attribuées n'a cessé d'être présente.
En Nouvelle-Calédonie, la réponse apportée aux revendications foncières est le reflet des influences croisées entre l'héritage colonial, la naissance d'un mouvement identitaire kanak et la volonté de développer le territoire.
Le contexte de l'émergence des revendications
Au début de la réforme foncière, en 1978, les clans de la Grande-Terre cohabitaient au sein des réserves, où ils étaient regroupés depuis plus d'un siècle en tribus. Cette situation de vie en commun sur une longue période a fait que les clans, parfois originaires de régions éloignées les unes des autres, ont développés des liens et des solidarités nouvelles.
L'expression des revendications foncières est le résultat combiné de facteurs très divers :
- la structuration des clans issue de leur regroupement dans les réserves autochtone,
- l’organisation politique des clans et des tribus, au sein des réserves,
- la politique « développementiste » promue par l'administration du Territoire
- l'urgence politique et la volonté de procéder rapidement aux redistributions de terres.
Le mouvement de revendication foncière est donc un phénomène social fondé sur l'histoire ancienne et contemporaine, mouvant et évolutif, et dont les protagonistes sont multiples.
Ainsi, la reconnaissance des droits fonciers kanak en Nouvelle-Calédonie est un compromis entre la reconnaissance de droits fonciers en vertu d’une occupation antérieure au sens strict, la prise en compte du contexte socio-foncier contemporain, et une projection socio-économique dans le futur.
Cet héritage de l'histoire contemporaine est essentiel à la compréhension de l'expression de la revendication foncière et surtout aux réponses que les opérateurs lui ont apportées.
Les formes de revendications
Les revendications se sont exprimées sous des formes diverses : le plus souvent sous forme écrite, mais également orale, elles se sont parfois traduites par des occupations physiques de terrains. Toutes ont été prises en considération par les opérateurs fonciers.
Les terrains ciblés par les revendications sont décrits de façon hétérogène, avec des références de parcelles cadastrales, des toponymes apparaissant sur les cartes topographiques (cours d’eau, montagnes,…), des toponymes coutumiers, etc. A l’inverse les zones ciblées sont parfois très larges et peu précises.
Les intervenants ont été multiples : la revendication a été portée, selon les régions et les époques, par des clans, des grandes chefferies ou des chefferies (conseil des anciens) qui revendiquaient pour elles-mêmes ou pour des clans, ou des organisations politiques.
Les clans résidant en tribu peuvent ainsi avoir participé à une revendication portée par la tribu au bénéfice de l'ensemble de ses ressortissants, puis avoir ensuite décidé de porter, seul ou avec des clans alliés, une revendication autonome.
A l'inverse, certains clans se sont associés par solidarité à une revendication, en raison de leur résidence à la tribu, sans intention de bénéficier du terrain.
La plupart du temps, le portage de la revendication est le reflet du mode de fonctionnement coutumier du secteur. Ainsi, selon la place des grandes chefferies, celles-ci ont joué un rôle plus ou moins un important dans la revendication. Dans certains secteurs, ce sont les chefferies qui ont été les principaux pivots de la revendication jusqu'à ce que les clans prennent le relais..
Depuis le début de la réforme foncière, l'expression d'une même revendication a pu évoluer, suivant le contexte politique, coutumier et économique. Une même revendication peut ainsi s'être déclinée en plusieurs demandes émanant d'auteurs différents et portant sur des espaces évolutifs.
Les réponses apportées par les opérateurs fonciers
Les différents opérateurs fonciers ont proposés des formes d'attribution adaptables à la forme des revendications et permettant des attributions soit claniques (attributions à des clans ou à des GDPL claniques) soit tribales (agrandissement de réserve, attributions à des GDPL tribaux), sans imposer la définition et la délimitation des droits fonciers internes.
Les formes de réponses aux revendications selon les opérateurs
- Le Territoire (1978-1986) : agrandissement de réserves, attributions claniques
- L'Office foncier (1982-1986) : agrandissement de réserves, attributions claniques
- L'ADRAF territoriale (1986-1988) : attribution individuelle à des personnes de statut coutumier (ces terres ne sont pas coutumières aujourd'hui)
- L'ADRAF d'Etat (à partir de 1989) : attribution à des GDPL et à des tribus
La satisfaction des revendications: une question complexe
Les revendications foncières ont abouti, pour les clans et familles concernés, à des situations très différentes :
- création d'un nouvel espace foncier propre par des attributions à des clans ou à des GDPL claniques,
- élargissement de l'espace commun de leur lieu de résidence par des agrandissements de réserve ou des attributions à des GDPL tribaux,
- rétablissement d'un lien symbolique et juridique avec une terre d'origine (cas des clans déplacés),
Concrètement, cela signifie qu'en raison des contextes locaux, certains clans ont pu bénéficier d'un espace propre alors que d'autres ont vu l'espace de leur tribu de résidence s'agrandir. La perception des individus sur la satisfaction de la revendication de leur clan ne sera donc pas la même, notamment dans les secteurs où les antagonismes coutumiers n'ont pas permis de clarifier les droits fonciers internes après l'attribution.
L'accès effectif au foncier est étroitement lié à la qualité du lien social entretenu par les individus avec leur clan et au sein des tribus. Lorsqu'il existe des conflits internes, les possibilités d'accès au foncier sont réduites, dans l'attente du règlement du litige.
Ainsi, le niveau de satisfaction ressenti est très variable, autant au niveau des clans et familles qu'au niveau individuel.
(voir également L'accès au foncier coutumier)