La notion « d’accueillants et d’accueillis »
Classiquement, on peut dire qu’en milieu kanak le droit d’utilisation et de gestion du foncier est acquis par le premier clan arrivé historiquement dans la zone et qui l’a défriché.
Le terme « accueillis » est souvent utilisé pour désigner les clans qui seraient arrivés par la suite et auraient bénéficié, de la part des « accueillants », d’un accès au foncier par un transfert de droit d’usage. Les relations entre « accueillants » et « accueillis » sont basées sur un système d‘alliance avec services réciproques (accès à la terre, protection, renforcement démographique…).
Cependant, l’utilité actuelle de cette notion est discutable en raison de la difficulté d’identifier objectivement l’accueillant et l’accueilli, notamment du fait :
- des importants mouvements de population qui ont touché la Grande-Terre et les îles loyautés (clans migrateurs, guerres claniques, impact de l’évangélisation et de la colonisation avec les cantonnements et les spoliations foncières) ;
- de la généalogie des clans retransmise par une société traditionnellement orale ;
- de l’évolution du statut des clans avec le temps ;
- des alliances entre clans.
Cette notion a pu évoluer de manière importante en fonction de la pression foncière et du contexte local (social, politique, économique).
L’expérience montre que la dichotomie accueillis/accueillants est réductrice, équivoque et ne contribue pas au traitement serein des questions foncières.
C’est pourquoi, pour faire aboutir les projets d’attribution foncière, la recherche d’un consensus coutumier est souvent la seule alternative.
La place des individus
Au sein de la coutume, les individus n’ont pas tous les mêmes droits et prérogatives. Dans la société kanak, l’accès d’un individu à la terre se fait par le biais des droits fonciers de son clan et de ses droits au sein du clan. Le droit sur la terre se transmet par les hommes.
Les clans ou familles ont pour coutume de réserver des terres aux jeunes. Ces réserves sont ensuite transformées en parcelle de culture ou en parcelle à construire lorsque la situation sociale des jeunes se stabilise (mariage, emploi salarial…).
Pour certains l’accès au foncier n’est pas toujours garanti (par exemple les mères célibataires, les métis, les adoptés…), ce qui peut entrainer des situations difficiles et parfois conflictuelles.
Dans le cadre de la réforme foncière, la redistribution des terres a été effectuée au profit de grands groupes sociaux tels que les clans, les groupes de clan et les tribus. Les droits individuels sur ces "nouveaux" espaces ne sont pas toujours clairement définis ce qui peut entrainer des installations spontanées non concertées ou à l’inverse un gel des terrains.
Si l’installation de cultures annuelles ou de projets de court et moyen terme peut être ouverte à tous, l’habitat et les cultures pérennes sont souvent perçus comme une appropriation définitive du bien. Il peut en être de même pour des projets économiques importants.
L’installation des individus peut être confrontée au manque d’espace aménageable disponible. C’est notamment souvent le cas dans les zones escarpées de la côte Est.
Les membres d’un clan n’ayant accès qu’à un espace délimité et reconnu, ils peuvent être contraints à s’installer dans des zones présentant des risques (inondation, glissement de terrain,..).
Les femmes:
Les femmes kanak ont accès à la terre par leurs parents ou leur mari. Elles n’ont pas de droit foncier personnel.
C’est pourquoi la situation foncière des filles-mères, des femmes remariées, veuves ou ayant coutumièrement rompu leur mariage peut être très difficile (par exemple, l’obligation de quitter la tribu car n’ayant plus la possibilité d’y habiter).
Leurs enfants peuvent également rencontrer des difficultés pour accéder aux terrains de la lignée maternelle.
Il arrive toutefois que dans certaines familles et clans, les femmes puissent bénéficier d’un terrain en propre.
Les adoptés :
L’adoption est une pratique traditionnelle en milieu kanak encore très fréquente qui participe à des stratégies d’alliances et de renforcement des liens ou pour préserver une lignée sans descendance.
L’adoption peut également permettre l’intégration d’individus marginalisés (enfants des filles-mères, enfants naturels, métis…).
Le statut d’adopté peut cependant être source d’inégalité en matière de succession et d’accès au foncier.
L’adoption pose en général moins de problème en matière foncière lorsqu’elle a lieu au sein d’une même famille ou d’un même clan.
En revanche, les adoptions extra familiales sont sources de conflits entre les ayants droits naturels et les enfants adoptés.
Les métis:
Le niveau d’intégration des métis issus des mariages mixtes ou des relations hors mariages au sein de la société kanak est variable. L’accès au foncier est traité différemment selon les cas :
- les métis nés d’un père kanak et d’une mère non-kanak bénéficient des droits fonciers du père. L’acceptation de l’individu au sein du groupe demeure cependant liée à sa capacité d’intégration.
- les métis nés d’une mère kanak et d’un père non-kanak ont des difficultés d’accès à la terre qui peuvent être résolues par l’adoption par la famille de la mère.
Les difficultés rencontrées par les métis sont moins prononcées dans certaines régions de la Grande-Terre et des îles loyautés, où l’évolution des pratiques sociales est plus favorable à l’intégration d’individus extérieurs au clan ou à la chefferie.