Questions générales
Qu’appelle-t-on réforme foncière ?
La réforme foncière est une opération lancée en 1978 visant à favoriser l’accès au foncier des clans et tribus kanak ainsi que des exploitants agricoles. Depuis les années 2000 elle est principalement consacrée aux attributions de terres au titre du lien à la terre, à des personnes morales de statut coutumier : GDPL, clans, tribus.
Qu’est-ce qu’une revendication foncière ?
Dans le contexte de la réforme foncière, une revendication foncière est une demande écrite, formulée auprès de l’ADRAF ou d’une collectivité, par tout groupe de droit coutumier visant à reprendre possession d’un espace, et fondée sur l’allégation de l’existence de droits fonciers antérieurs dont le groupe aurait été privé par les effets de la colonisation.
Il ne s’agit pas d’une action en revendication au sens juridique du terme, car son traitement ne se fait pas devant les tribunaux mais par un organisme administratif. La raison est que la preuve judiciaire de l’existence des droits fonciers est quasi impossible à apporter.
La revendication foncière est un préalable administratif permettant de démarrer une instruction pouvant aboutir à l’attribution d’une terre. En elle-même, elle ne donne pas de droits fonciers sur un espace, c’est l’attribution par l’ADRAF (ou par une collectivité) qui permet le transfert des droits de propriété.
Pourquoi les terres sont-elles attribuées gratuitement aux GDPL ?
A la fin du XIXème siècle, la colonisation, et en particulier le cantonnement des kanak dans les tribus a eu pour effet de déposséder un nombre important de clans de leurs espaces traditionnels. La réforme foncière a permis à ces clans de retrouver au moins partiellement leurs espaces fonciers. Les attributions foncières réalisées sont en réalité une forme de restitution de terre. Pour cette raison, elles sont gratuites.
Si le terme de restitution n’est pas officiellement retenu, c’est notamment parce qu’une restitution au sens strict imposerait d’identifier très précisément les détenteurs originaires de la terre et l’étendue exacte des espaces dépossédés il y a plus d’un siècle. Ce qui, en l’absence d’archives précises, est matériellement irréalisable.
Les terres coutumières
Quels sont les points communs et les différences entre terres coutumières et terres privées ?
La propriété privée applicable en Nouvelle-Calédonie est issue du droit métropolitain. Celui-ci a été institué par le code civil en 1804, en rupture avec le droit de l’ancien régime. Ce régime vise à favoriser la constitution d’un patrimoine privé et à sécuriser sa transmission selon des règles codifiées (vente, donation, etc). La propriété privée privilégie la sécurité individuelle, favorisant l’entreprise et l’investissement. Elle dispose de peu de mécanismes de régulation des déséquilibres et des inégalités.
La propriété coutumière repose sur le groupe (principalement le clan). Les droits individuels existent mais sont conditionnés par les droits collectifs. Ce type de propriété favorise la cohésion du groupe et la stabilité sociale, grâce à des mécanismes de régulation interne sur l’espace. L’absence de rigidité des droits individuels apporte une sécurisation collective en permettant leur redistribution dans l’espace lorsque des déséquilibres démographiques surviennent. En contrepartie, ces mécanismes sont peu compatibles avec les exigences de l’entreprenariat, qui nécessite une stabilité des droits sur le moyen et long terme.
Un régime foncier est le résultat d’un choix de société et d’un système de valeur. Faire évoluer un régime foncier revient d’abord à s’interroger sur les valeurs et les modèles de cohabitation que l’on entend privilégier.
Un terrain privé appartenant à une personne physique de statut coutumier est-il une terre coutumière ?
Comme son nom l’indique un terrain privé est soumis au droit commun de la propriété. Ce n’est donc pas une terre coutumière même lorsqu’il appartient à une personne physique de statut coutumier. Cependant, la transmission successorale est soumise au droit coutumier sauf si le propriétaire a retenu le droit commun pour le règlement de sa succession.
Pourquoi distingue-t-on les terres de GDPL, de réserve, de clans, au sein des terres coutumières ?
Cette distinction est le fruit de l’histoire. Au début de la colonisation, des terres ont été réservées au kanak et affectées aux tribus par des opérations de cantonnement. Au fur et à mesure des besoins des populations résidant en tribu les réserves ont été agrandies. Au début de la réforme foncière un nouveau mode d’attribution foncière a été introduit, l’attribution clanique. Puis en 1989, c’est le groupement de droit particulier local qui a été utilisé comme support de la propriété foncière kanak. De 1989 à 1999, les terres de GDPL étaient assimilées à des terres privées.
En 1999, l’ensemble de ces terrains, constitués à des moments différents de l’histoire calédonienne ont été regroupées au sein d’une catégorie juridique de terres régies par la coutume : les terres coutumières.
Ce regroupement n’abolit par les différences de statut. Il a surtout eu pour effet d’étendre l’inaliénabilité des terres de réserve aux terres claniques et aux terres de GDPL.
Peut-on vendre une terre coutumière ?
La vente d’une terre coutumière est interdite. Cette interdiction (ou inaliénabilité) de vendre et d’acheter un foncier coutumier remonte à 1868. L’objectif était de réserver à l’administration l’exclusivité sur les opérations portant sur les réserves autochtones et de rendre impossibles les cessions entre tribus et particuliers.
A partir de 1959, l’autorisation préalable des autorités coutumières avant toute réduction de l’espace d’une réserve par l’administration a été rendue obligatoire.
En 1999, cette interdiction de vendre a été étendue aux terres des GDPL et aux terres claniques.
Par commodité de langage on parle des « quatre i », c’est-à-dire de l’inaliénabilité, incommutabilité, insaisissabilité, incessibilité des terres coutumières.
Que signifie l’inaliénabilité des terres coutumières ?
L’inaliénabilité se traduit par l’interdiction de toutes transactions ayant pour effet d’amputer définitivement une parcelle de terre juridiquement détenue par une tribu, un clan ou un GDPL, au profit d’une personne physique ou morale de droit commun ou de droit coutumier.
En revanche, cette parcelle peut faire l’objet d’une reconnaissance de droits coutumiers au profit d’une personne physique ou morale de droit coutumier. Dans ce cas, ces droits se superposent – et non s’opposent – au droit de la tribu, du GDPL ou du clan détenteur.
Cette même parcelle peut être mise en location car elle ne modifie pas les droits du détenteur d’origine.
Qu’est-ce que le cadastre des terres coutumières ?
L’Accord de Nouméa prévoit dans son point 1.4 que « les terres coutumières doivent être cadastrées pour que les droits coutumiers sur une parcelle soient clairement identifiés. (…)»
L’action de réforme foncière qui vise à restituer des terres aux clans et aux tribus, relève d’un processus indirect de cadastrage des terres. Il permet de délimiter des espaces attribués sous le régime des terres coutumières et d’identifier les ayants droit regroupés en GDPL ou en tribu.
Le cadastre des terres coutumières tel que prévu par l’accord de Nouméa n’a pas été défini par le texte. Cependant, on peut considérer qu’au sens strict, il s’agit de délimiter des parcelles au sein des terres coutumières reconnues par la loi et de déterminer les droits coutumiers qui s’y exercent ainsi que leurs titulaires. Le résultat de ces délimitations devant être reporté à la fois sur un registre et sur un plan cadastral.
Ce processus est partiellement en cours mais le dispositif n’est pas formalisé. Des parcelles sont régulièrement délimitées et associées à des droits et leurs titulaires identifiés (dans le cadre de décisions coutumières actées, de baux…) mais le registre et le plan cadastral compilant l’ensemble de ces informations n’ont pas encore été mis en place.
Il convient de distinguer ce que l’on appelle stricto sensu le cadastre des terres coutumières prévu par la loi de la notion de « cadastre coutumier ». Cette dernière est généralement entendue comme une délimitation des zones d’influence des clans, des chefferies et des tribus, couvrant l’ensemble d’un territoire donné sans distinction de statut foncier.
Les interventions de l’ADRAF
Mon clan ou ma tribu a envoyé un courrier de revendication foncière à l’Adraf et pourtant nous ne sommes toujours pas attributaires des terrains demandés. Pourquoi ?
La revendication foncière permet à un clan/une tribu de faire connaitre l’existence d’un lien à la terre et de demander l’attribution du foncier concerné. C’est pour l’ADRAF une base de départ de l’instruction. Cependant, sur de nombreuses zones, plusieurs revendications contradictoires ont pu être enregistrées, traduisant un désaccord sur l’expression des légitimités. L’attribution du foncier suppose l’existence d’un consensus minimum sur les droits fonciers coutumiers.
L’attribution de terrains nécessite préalablement une acquisition par l’ADRAF qui suppose que ces terrains aient été proposés à la vente, soit à l’amiable, soit par le biais du droit de préemption. Dans tous les cas, lorsqu’un propriétaire n’est pas vendeur, l’ADRAF ne peut le contraindre à céder son terrain.
Peut-on formuler une revendication foncière à titre individuel ?
D’un point de vue administratif, toute personne peut formuler une revendication, que ce soit à titre personnel ou à titre collectif.
Cependant, dans la tradition kanak, un individu réalise son lien à terre par le clan auquel il appartient. C’est la raison pour laquelle, seules les revendications portées par des groupes familiaux, des clans ou des tribus sont prises en compte.
Comment sont décidées les attributions au titre du lien à la terre ?
La décision d’attribution foncière fait suite à un travail de conciliation sur le terrain entre les clans revendicateurs en relation avec les autorités coutumières. Ce travail vise à obtenir un consensus sur les droits fonciers coutumiers.
Lorsque le consensus est trouvé, la procédure administrative est lancée.
Suite à l’appel à candidature, la commission foncière communale concernée émet un avis ainsi que le comité de province. Le conseil d’administration de l'ADRAF prend ensuite la décision finale.
Une fois cette décision rendue, le dossier est transmis à un notaire qui prépare l’acte de cession. Le transfert de propriété a lieu au jour de la signature de l’acte de cession.
J’ai proposé à l’ADRAF d’acheter mon terrain privé, pourquoi n’a-t-elle pas acheté ?
De très nombreux terrains de la Grande Terre ont été revendiqués. Les revendications sont analysées au regard des légitimités foncières mais également des situations des clans qui ont formulés les revendications. La capacité des clans à s’entendre sur les légitimités et à s’installer à court terme sur le terrain proposé à la vente font partie des critères étudiés attentivement. Les offres de vente faites à l’ADRAF sont acceptées lorsque les terrains répondent à des priorités d’acquisitions.
Je vends un terrain, quel est l’objet de la déclaration d’intention d’aliéner transmise par le notaire ?
La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est l’équivalent d’une offre de vente faite à l’ADRAF dans le cadre de son droit de préemption. Elle est obligatoire pour toute vente d’un terrain à vocation agricole, pastorale ou forestière.
L’ADRAF a la possibilité de se substituer à l’acquéreur pour acheter le terrain au prix convenu par les parties. Lorsqu’elle prend cette décision, elle le fait afin de répondre à ses missions.
La mission principale de l’ADRAF étant d’acquérir des terres susceptibles d’être attribuées au titre du lien à la terre.
Lorsque l’ADRAF décide de ne pas préempter, elle décline l’offre de vente formulée par le notaire (DIA). L’ADRAF ne donne pas d’indications sur le caractère revendiqué ou non d’un terrain.
Je souhaite clarifier les droits de ma famille/ de mon clan sur une terre coutumière. Quelle est la démarche à suivre ?
La clarification des droits conduit généralement à un parcellaire permettant de délimiter la place de chacun sur un terrain. Cette démarche est utile si elle s’accompagne d’une réflexion sur les droits associés aux parcelles et sur l’aménagement futur du terrain.
L’ADRAF peut accompagner les GDPL ou tribus qui le souhaitent dans cette démarche.
Nous souhaitons installer nos jeunes sur nos terres comment l’ADRAF peut-elle nous accompagner ?
L’ADRAF peut accompagner les clans ou les tribus dans la planification de l’aménagement de leurs terres. Elle élabore avec eux des parcellaires destinés à répondre aux besoins en installation et qui sont compatibles avec les légitimités foncières au sein du groupe.
Ce travail n’est réalisable que sur des terres attribuées en terres coutumières.
Il doit impliquer l’ensemble du groupe que l’agence accompagne. Les collectivités sont également associées afin d’évaluer l’incidence sur les réseaux (voiries, eau, électricité…).
Cette démarche « à la carte » aboutit généralement à un parcellaire associé à la rédaction d’un règlement foncier qui définit les droits de chacun en fonction des espaces délimités.
Je souhaite louer un terrain sur terre coutumière, comment m’y prendre ?
Les terres coutumières sont protégées et ne peuvent être vendues. En revanche, elles peuvent être louées aux personnes souhaitant y exercer un projet.
L’ADRAF peut se charger de mettre en relation le propriétaire coutumier (GDPL, clan, tribu) et le locataire potentiel et les assister dans leurs discussions. S’ils trouvent un accord, elle peut aider à la rédaction du bail.